D’une Maison de Quartier au métier à tisser les couleurs du lien

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Après une communication avec Carine, travailleuse de l’association, nous entrons en contact par mail avec Florence, coordinatrice de l’école de devoirs de la Maison de Quartier d’Helmet. Maison de quartier. Tout est dit. Plusieurs services et activités de différents secteurs sont proposés par l’association, chacun coordonné par une personne, le tout chapeauté par une autre. C’est le cas de Florence qui s’occupe du secteur enfants et donc de l’Ecole de Devoirs, des activités du mercredi et des stages durant les congés scolaires. Très vite, une réponse arrive. Nous nous parlerons le mercredi 29 avril à 10h. Et, ce mercredi, le téléphone de sonner et le plaisir de nous entendre plutôt que de nous lire. Sa voix nous dit tout son dynamisme après plus d’un mois de confinement et d’arrêt des activités in situ. Florence va bien !

Florence, si elle est coordinatrice, est aussi une maman. En premier, nous lui demandons comment ça se passe entre famille et boulot depuis le début de cette période de confinement arrivée si brusquement.

Dans l’ensemble, nous dit-elle, « nous avons de la chance. Nous sommes tous les cinq en bonne santé ». La famille est arrivée à s’organiser pour que travail scolaire des enfants et télétravail des parents puissent se faire. D’emblée, la sérénité et le bien-être de toutes et tous ont été mis au cœur de cette organisation. « Je suis leur maman, pas leur institutrice. Pas envie de travailler ? Je n’impose rien. Ce ne sera pas une bagarre. Je souhaite que tout se passe le plus sereinement possible. Tu ne veux pas travailler aujourd’hui ? Bien, mais tu sais que tu auras plus d’exercices à faire demain ? Je sollicite leur responsabilité. Je ne veux pas que ce travail devienne source de tensions, de stress. »

Et en tant que coordinatrice, comment t’es-tu organisée ?

« Dès le départ, j’ai négocié. J’allais avoir un problème d’ordinateur. L’ordinateur de la famille allait devoir être utilisé par mes enfants. J’ai ainsi pu prendre un ordinateur portable de l’association ». Ensuite (il y a une soixantaine d’enfants inscrits aux différentes activités), elle et son équipe se sont organisés. Ils se sont rendus à l’association pour reprendre les listings des enfants et répartir le travail entre les 7 membres de l’équipe. A chaque animateur, son groupe. Ensuite, tel un travail de tisseuse, Florence a mené son travail à distance d’une semaine à l’autre. La trame ? Le projet de la maison de quartier et ses réunions intersectorielles. La navette ? Florence et les six fils colorés de son équipe. A chaque voyage, une semaine… Très vite, le maintien de la réunion d’équipe hebdomadaire s’est imposé. Il était important de rester en contact les uns avec les autres et d’échanger sur ce qui allait être proposé aux enfants et sur ce qui avait été fait. Il aurait été dommage que certains fassent les mêmes projets que d’autres à distance. Tenant compte des compétences des uns et des autres et de leurs propositions, il s’agissait donc de déterminer ce que chacun allait proposer et ce que chacun s’engageait à faire durant la semaine à venir, un semainier permettant de formaliser cela.

Vers une programmation hebdomadaire concertée

La première semaine a été consacrée à une première prise de contact téléphonique avec l’ensemble des familles et des enfants. Il s’agissait de les entendre sur comment ça allait pour eux, de leur rappeler que même à distance, la Maison de Quartier était là pour les accompagner. « En commençant, on s’est dit qu’on allait peut-être les déranger ». Loin de là. « Ils étaient contents de nous entendre et de savoir que nous étions là à leurs côtés. ». Ils n’étaient pas abandonnés. Tenant compte de la répartition établie, les animateurs vont entrer à minima une fois par semaine avec eux.

Ce n’est que la deuxième semaine que l’équipe a abordé la question du travail scolaire à domicile. Comment ça se passait avec l’école ? Les travaux scolaires demandés ? Avaient-ils besoin d’aide ? C’est à ce moment-là aussi que l’équipe s’est intéressée de prendre note des adresses mails. Autre moyen d’entrer en contact mais aussi de transmettre de petites propositions d’activité. « Des petites choses, des petits bricolages qui ne demandent pas grand-chose comme matériel, des choses simples, plusieurs familles étant dans le besoin ». Trois familles n’avaient pas de moyen d’être jointes par ce chemin. Les documents allaient être déposés dans leur boîte aux lettres lors d’un petit tour à vélo (la plupart des enfants vivent dans le quartier). Si beaucoup ont dit leur contentement, peu de retours sont arrivés mais cela dépend de l’âge des enfants. Chez les plus petits, ça n’a pas pris. Chez les plus grands (6ème primaire), ça a été différent. Ils ont reçu le numéro de téléphone pour joindre l’animateur ou l’animatrice référent-e en cas de besoin. « Etonnamment, nous n’avons constaté aucun abus. Ils ne téléphonent pas à des heures indues. Ni trop souvent. »

Puis, les vacances sont arrivées. Des enfants étaient inscrits au stage qui était supprimé. Il s‘agissait donc d’envisager un déroulement de stage innovant et à distance. Selon la catégorie d’âges (4-5 ; 6-8 ; 9-12), des activités allaient être élaborées en lien avec la thématique du stage. Chansons, comptines, peintures à doigts, lecture, animations allaient être proposées. Mais, les vidéos, supports intéressants ne passaient pas par mail. C’est à ce moment que l’équipe décide de créer une chaîne U Tube privée à destination des enfants. La plupart des familles disposent de smartphones et se débrouillent davantage avec U Tube qu’avec les mails, nous précise-t-elle. Un nouvel outil qui va permettre aux membres de l’équipe de préparer chacun une petite vidéo les mettant en scène pour le retour des vacances. Une autre manière d’entrer en contact avec les enfants et de dire et rappeler leur présence.

Les familles, comment vivent-elles la situation ?

Florence nous dit que si certains parents, lorsqu’on téléphone, passent les enfants tout de suite (celles le plus en difficultés avec la langue française), les contacts avec les autres ont été davantage nourris. Ainsi, l’équipe a pu les écouter et les accompagner dans un réel soutien à la parentalité. La situation d’une famille étant particulièrement préoccupante, une aide a été apportée que ce soit pour les vêtements ou, aujourd’hui pour l’aide alimentaire via un système de colis géré par la commune. Beaucoup de familles vivent dans des logements exigus. Certaines familles ne disposent que d’une chambre pour les enfants. Comment ne pas vouloir sortir prendre l’air lorsque l’on vit dans de si petits logements à plusieurs. Les enfants ont besoin de bouger, de prendre l’air, de sortir se promener d’autant plus qu’il fait beau. Et Florence de parler de cette maman seule avec trois enfants en bas âge et de ses voisins qui ne supportent plus leurs bruits et s’en plaignent. Et la maman de ne pas envisager imposer à ces enfants (2,5, 5 & 7 ans) de ne plus bouger. Une maman qui, si l’école de devoirs venait à rouvrir, déposerait avec confiance et soulagement ses enfants de temps en temps à la maison de quartier.

Rouvrir la porte aux enfants ? Comment l’école de devoirs envisage-t-elle cela ?

On commence à en entendre parler et les coordinatrices commencent à en parler. Les locaux suffisamment grands ne pourront pourtant pas accueillir tout le monde. Des locaux qui par ailleurs sont utilisés par les adultes durant la journée. Alors, au-delà des questions sanitaires de prévention, d’autres se posent parce qu’il va falloir faire des choix. Accueillir tous les groupes ne sera pas possible. Alors, qui accueillir ? Dans quelles conditions ? A quel rythme ? Les enfants le « plus à risque » ? Sur quels critères ? A quel moment ? L’équipe, même si elle commence à préparer cela, reste dans l’incertitude. Au moment de notre échange, aucune information officielle relative à une éventuelle réouverture n’est parvenue. Outre les nombreuses questions relatives aux publics à accueillir ou pas, il faudra également tenir compte de la réalité de chacun des membres de l’équipe et de leur organisation familiale, tous les enfants n’allant pas reprendre l’école.

Et les bénévoles ? Comment vont-ils ?

Trois personnes âgées proposaient leur service avant la fermeture. Au moment de leur demander de rester chez elles, une a été rassurée, d’autres auraient bien continué. L’équipe a fait le choix de les protéger. Tout en gardant contact avec elles, aujourd’hui, elles ne participent donc plus au projet et leur retour n’est pas envisagé à ce jour. Lorsque je dis à Florence que ce sont des adultes, qu’ils peuvent prendre leur responsabilité, elle comprend mais nous dit ne pas supporter l’inquiétude et la culpabilité de les voir tomber malades L’important pour le moment est de maintenir les liens.

Maintenir les liens… quoi de plus naturel pour une Maison de Quartier ! Avant de terminer notre communication, Florence nous dit aussi les liens gardés avec les personnes âgées d’un home avec lequel ils travaillent durant l’année, cette institutrice rencontrée et qui découvrait le travail d’une maison de quartier en confinement laissant Florence rêver davantage de reconnaissance à l’avenir. Ou encore cette banderole qu’une animatrice est en train de confectionner où le mot merci sera écrit dans toutes les langues et pendue sur la façade de la maison.

-- Propos recueillis par Véronique Marissal auprès de Florence Azama, coordinatrice du Secteur Enfants de la Maison de Quartier d’Helmet.